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 Nos derniers moments

Michelle Félicie

L'ultime séparation

Traumatisée au cours de la levée de corps de mon grand-père maternel en 1995, j’avais dit à mes parents, à l’époque, que si jamais ils devaient mourir avant moi, je leur présentais d’avance mes excuses mais en aucun cas je ne mettrai les pieds dans une morgue.

Ce traumatisme est resté jusqu’à cette fatidique date du 11 mars 2023, mon subconscient faisait que je tombais toujours malade lorsqu’il y avait un décès et que je devais absolument me rendre à la morgue ou dans un endroit où le corps était exposé ou présent. Soit on pouvait me voir au cours des condoléances, ou autres veillées sans présence de la dépouille mortelle, soit mon corps et mon psychisme refusaient de collaborer.

Une personne m’a dit, le jour où tu seras directement concernée par cette situation, tu cicatriseras de cette blessure.

Je pense que c’est ce qui s’est produit ce matin, j’appréhendais de rentrer dans ce lieu où l’homme devient une chose que l’on peut manipuler à guise, ce lieu où l’homme devient un matricule, un numéro déposé dans un casier, que l’on fait dégivrer telle une viande que l’on doit apprêter pour la cuisiner et un faire un met présentable et agréable aux yeux.

J’ai demandé à ma tante de ne pas s’éloigner de moi, de me tenir : « Soit forte pour ton papa Michelle, Tiens bon, Dieu est avec toi »

Ma petite sœur entonne un chant, et nous la suivons dans cet élan : « Que ta gloire descende et envahisse ce lieu, que ta gloire descende pour la liberté, que les cieux s’ouvrent et que viennent la pluie, Oh Jésus nous voulons ton règne »

Du plus profond de notre être jailli cette louange, le cercueil entre, le maître de cérémonie annonce les couleurs, puis toque sur la « porte » du cercueil comme pour avoir la permission de l’ouvrir : le voici, couché dans son beau costume noir que nous avons choisi pour lui.

Je ne crois pas trop à cette légende qui dit que la dépouille du défunt change son aspect et montre son humeur, mais lorsque je me suis approchée, j’ai commencé à pleurer en regardant mon papa d’amour, et intérieurement une voix m’a dit : « si tu pleures, je vais aussi pleurer », et c’était comme si son visage était tout triste de me voir triste. Je lui ai dit : je t’aime papa, puis je suis retournée à ma place et j’ai été saisie par la louange qui montait du plus profond de mon être. J’ai célébré Dieu en chantant, alors mes sœurs à chacun de leur passage ont pu constater que le visage était devenu gai et s’illuminait de joie (mystère, vous avez dit mystère !).

Bien que mon oncle soit venu nous exhorter à demeurer dans le silence et le recueillement, la louange continuait à monter, nous devions communiquer cette joie, qui est en réalité le plus bel héritage que papa nous a légué.

Dieu siège au milieu de la louange de son peuple, c’est une forme de prière qui est très puissante et qui porte du fruit en abondance (comme tous les autres types de prière, cependant il faut apprendre à être à l’écoute et se laisser conduire dans la dimension où Dieu veut nous mener et c’est ce que nous avons fait).

Au bout de 45 minutes, le cercueil fut refermé et j’ai soupiré : « Gilbert ! »

Il m’arrivait, lorsque je voulais l’enquiquiner, de l’appeler ainsi par son prénom, en lui tapotant le dos ou claquant son oreille. C’est cette relation que nous avions avec notre père.

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