
LA RENCONTRE
Elle fût comme attirée par le rideau rouge vermillon qui était étincelant.
Elle se rapprocha, et je lui dis " tu peux ouvrir si tu veux".
Elle ne se fit pas prier, de ses mains elle ouvrit les rideaux. Saisie par l'Amour, elle n'a pas pu résister, elle s'effondra à genoux, et se mit à pleurer à chaudes larmes, telle une personne à qui on venait d'annoncer un décès.
Je ne fus pas surpris, je jubilais, nous avions réussi ce pari, quel risque n'ai-je pas pris?
Et j'entendis une douce mélodie , c'était prodigieux, une grande rencontre venait de se faire sous mes yeux ....
1. JUSTINE
" Mélodie, tu es ma douce mélodie, viens mon enfant, viens dans mes bras. "
Justine était faible, elle ne se nourrissait plus, elle faisait le sacrifice de cuisiner avec le peu qu'elle avait pour que sa petite Mélodie puisse manger. Cela faisait maintenant 8 ans que Bernard les avait quitté pour le voyage sans retour, sa belle famille l'avait dépouillé de tous ses biens, elle avait tout perdu, ils lui ont mis des bâtons dans les roues, jurant qu'elle ne trouvera du travail nulle part ailleurs à moins qu'elle ne se prostitue.
Elle avait refusé d'épouser Gérald , c'était la tradition de ce peuple, elle devait être l'épouse du frère cadet de son défunt époux. Deux jours après le décès, Gérald voulut abuser d'elle, elle avait des formes généreuses, la femme africaine par excellence, et elle était nourrice, elle avait un bébé de 4 mois qu'elle allaitait encore.
Elle fut humiliée sur la place publique du village, elle avait pour famille que les services sociaux d'un pays de l'Afrique Centrale, elle n'a jamais connu ses parents, Bernard qui était un riche commerçant, l'a rencontré au cours de ses nombreux voyages, à cette époque , vendeuse ambulante, elle avait 18 ans.
Justine était croyante et pieuse, cela faisait sa fierté, elle chantait dans la chorale de sa paroisse, elle avait refusé les avances de plusieurs hommes, elle avait réussi à conserver sa dignité de femme, aucun homme ne lui avait manqué physiquement de respect, elle n'avait certes aucune instruction mais elle avait un amour fou pour son créateur, malgré les difficultés de la vie.
Après son heure quotidienne d'adoration, elle récupéra sa marchandise qu'elle avait l'habitude de confier au gardien de l'église. Marchant sur le trottoir avec la marchandise sur la tête, elle fut éclaboussée par une voiture qui roulait avec vitesse... la voiture stationna plus loin, un homme descendit et se dirigeait vers elle.
" Je vous présente toutes mes excuses, je n'ai pas fait attention et ... qu'est ce que vous êtes belle, on vous l'a déjà dit?..."
Du haut de ses 1m90, Bernard était un bel homme , chauve et barbu, il était issu d'une grande famille de 36 enfants , il était le 2ème et le seul qui avait "réussi"(1), il voyageait beaucoup, avait commencé avec un tout petit commerce et était parvenu à accroître très rapidement son business. Il était célibataire sans enfant.
"Tu es vraiment belle, comment tu t’appelles..."
Les contes de fées diraient : ils se marièrent , furent heureux et eurent de nombreux enfants.
Bernard l'épousa et l'emmena dans son pays en Eburnie, il était un époux exemplaire, il honorait et respectait son épouse, il fit d'elle sa reine et refusa qu'elle se dépense au travail, il l'a voulait rien que pour lui à la maison. Elle était ménagère et comblée, bien qu'ayant compris qu'elle ne fut pas acceptée par sa belle famille , elle était protégée par son époux.
Bernard avait réussi à embaucher pratiquement tous ses frères et exigeait d'eux l'intégrité et l’acharnement au travail. Dix ans de mariage et pas d'enfant, la grande famille avait trouvé une épouse bien de chez eux et fertile qui sauverait l'honneur de la famille Gnahoua, Bernard refusait toutes les propositions, il voulait demeurer fidèle à Justine et lui qui n'était pas très pieux avait un profond respect pour la foi de sa perle précieuse qu'il a déniché à Brazzaville.
Il eut raison d'être patient à la dixième année de mariage , le ventre de Justine s'arrondit et un petit être vit le jour, ils décidèrent de l'appeler Mélodie.
La petite Mélodie n'a que 2 mois et demi lorsqu'il est victime d'un empoisonnement, sa santé se détériore très rapidement, ses frères prennent le contrôle de ses affaires , Nous sommes en 1999, et la situation du pays se dégrade, une crise pointe à l'horizon, Bernard étant invalide perd la majorité de ses biens qui sont dilapidés par ses frères. Il perd la vie.
Justine se retrouve seule sur la place de ce village avec son bébé, elle est maltraitée, on lui faire subir un "veuvage" qui bafoue sa dignité, sa maison lui a été prise ainsi que tout ce que Bernard lui avait laissé. Elle réussit à s'échapper avec son enfant, mais elle ne savait où aller, Bernard n'avait plus d'amis, elle était seule avec Mélodie.
Elle trouva refuge dans un quartier " Sicobois"(2), elle vivait de maigres revenus du ménage et de la lessive qu'elle faisait pour des femmes qu'elle accostait dans la rue.
Lorsque la petite Mélodie tombait malade, elle se privait de nourriture et redoublait d'effort dans la quête de petits boulots pour pouvoir la soigner.
Justine louait son Dieu dans la souffrance, elle avait une grâce de psalmodie, personne ne voulait d'elle dans les chorales de la paroisse qui était proche du "sicobois", ils ne voulaient pas de cas social d'autant plus qu'elle refusait les avances des hommes et du maître de chœur.
Dans la douleur , Justine demeurait dans l'action de grâce et elle chantait à la gloire de son Dieu en berçant sa petite Mélodie qui avait maintenant 8 ans.
" Mélodie, tu es ma douce mélodie, viens mon enfant, viens dans mes bras. " dans sa tête la musique retentissait et elle tenait les petites mains de sa fille et dansait. Ce jour là , Justine était à bout de force, mais elle su garder le sourire.
Elle lui dit : " Ma princesse, je vais partir, notre Jésus va venir me chercher avec les anges, tu ne seras jamais seule, sa lumière sera toujours sur toi, il ne t'abandonnera jamais, quand tu seras triste chante mon enfant chante, ne te laisse pas envahir par la haine , Dieu est bon..."
Mélodie pleurait , elle n'avait pas connu papa Bernard, et voilà que maman Justine lui dit qu'elle aussi ira au ciel. Elle s'endormit contre sa maman en serrant fortement sa main. Lorsqu'elle se réveilla, Justine avait le sourire aux lèvres et elle parlait une langue qui ne ressemblait pas au lingala, qui ne ressemblait pas au français, une langue merveilleuse, Justine dit à Mélodie " les voilà, ils sont venus me chercher, regarde les anges, ils sont beaux, je t'aime ma Mélodie"
Mini lexique :
(1) Féticheur : dans la culture animiste africaine, voue un culte aux génies et aux fétiches, lorsque le féticheur ou la féticheuse reçoit une révélation ou est en pleine inspiration, il ou elle entre dans une transe qui peut durer un bon moment ( en ce qui me concerne, je suis loin d'être animiste, loin d'être féticheuse, mais j'ai la particularité d'écrire sans m'arrêter, rester focus sur mon écran sans regarder le clavier tout en écrivant aussi rapidement et incroyablement)
Mini lexique :
(1) réussi : se dit d'une personne qui a soit pu finir ses études ou pas, obtenu un emploi qui lui permet d'être indépendant financièrement parlant, qui est capable de prendre soin de toute une famille ou tout une communauté.
(2) sicobois : bidonville, maisons construites à partir de planches en bois